Expert et manager compétences incompatibles

Les experts ou les gens brillants sont-ils nécessairement de bons managers?

Le management nécessite des compétences différentes  de celles des experts et des individus brillants.

De nombreux chefs d’entreprise se fiant uniquement aux diplômes ont fait les frais de mauvais recrutement. Le diplôme, quel qu’il soit n’est pas un passeport qui conduit à la réussite managériale.

Des études très poussées ont été faites dans différents pays et le résultat est sans appel. Les qualités managériales ne sont pas liées au QI (quotient intellectuel), mais étroitement liées au QE (quotient émotionnel).

Les grandes entreprises ne misent plus exclusivement sur le QI, mais intègrent beaucoup plus l’aspect QE.

Pour comprendre pour quelle raison la relation humaine est au cœur du management et a chassé la compétence technique, il suffit de mettre en perspective les qualités dominantes du manager:

  • le courage
  • l’optimisme
  • la confiance
  • l’énergie
  • l’exemplarité
  • le respect
  • l’adaptation
  • l’esprit d’équipe et de synergie
  • accompagnateur du changement

Bien entendu la liste n’est pas exhaustive et même si nous l’étoffions, elle ne changerait pas d’aspect; il n’y aurait pas des qualités techniques.

Il faut garder à l’esprit que le manager n’est pas celui qui fait, mais celui qui fait faire, et pour cela, il lui faut des qualités qui n’ont rien à voir avec le QI. Il est évident que si le manager a les deux intelligences: conceptuelle et humaine, alors il a de fortes chances de réussir et d’être un excellent manager.

Cependant, un QI élevé et une solide expertise peuvent avoir un effet paradoxal sur les nouveaux promus dans les postes de manager et les conduire à des échecs programmés.

Plus on monte dans la hiérarchie, plus la compétence technique est un handicap.

La réaction face à cette réalité que rencontrent les managers experts ou techniciens brillants lorsqu’ils accèdent à des fonctions supérieures peut-être très mal vécue. Celui qui est reconnu comme brillant parce qu’il est un expert de la vente, du marketing de la comptabilité…et qui se voit propulsé dans un poste de management peut tomber de haut. Il va devoir abandonner le travail rationnel sur les chiffres, les plans d’action, pour se consacrer à la matière humaine. Il sera rapidement confronté aux conflits, à la motivation, à la nécessité de donner du sens, à accompagner le changement…, une panoplie de défis que découvre le nouveau promu.

Contrairement à l’expert, le manager est scruté par le haut et par le bas et l’on attend lui des résultats rapides aussi bien dans les domaines quantitatifs, que qualitatifs et sociaux.

Nous avons tous connu des gens brillants, des experts, être promus dans des postes de managers et échouer lamentablement. Ce n’est pas de la faute de celui qui a été nommé, mais plutôt celle de celui qui a recruté le candidat sur ses compétences d’experts.

Ne croyez pas que ce genre de nomination soit rarissime, il est présent dans de nombreuses entreprises.

C’est pour cette raison que le monde du travail est truffé de mauvais patrons et  managers d’après Daniel GOLEMAN.

Le principe de Peter explique clairement pourquoi les entreprises, les services publics…, sont des  endroits où la promotion conduit quelquefois vers l’incompétence.

La mécanique de la promotion commence à changer, mais les freins à ce changement sont encore très présents dans le monde du travail.

Un employé compétent à un poste n’y restera pas et sera promu à un niveau hiérarchique supérieur, pas toujours parce que ses capacités sont en adéquation avec sa nouvelle fonction, mais simplement parce qu’il répond à une logique de mobilité.

On trouve même des employés incompétents dans des postes, qui sont promus dans d’autres postes où ils sont autant incompétents. Cette fois, ils y resteront et occuperont pendant longtemps ce poste. Ils ne seront pas promus à un niveau supérieur, ni rétrogradés à leur ancien poste.

Le principe de Peter dit simplement qu’à force de promotions, l’employé finira (probablement) par atteindre un poste auquel il sera incompétent.

L’erreur classique et bien souvent récurrente est celle qui consiste à partir des compétences d’un cadre dans un poste donné pour conclure qu’il est capable de diriger une équipe, un service ou une entreprise.

Le sport montre le chemin et a compris depuis longtemps que ce n’est pas parce que le joueur de football ou de rugby est brillant qu’il sera un bon manager d’une équipe. Les qualités techniques que possède le sportif n’ont rien à voir avec celles qui font un bon manager.

Les experts sont bien souvent ceux qui détiennent le savoir de la discipline dans laquelle ils exercent  et, lorsqu’ils sont promus dans un poste de management, ils sont déstabilisés par les nouvelles compétences que la fonction exige.

Alors un phénomène de “survie” prend naissance inconsciemment; il consiste à revenir sur ce que connaît et maîtrise  le nouveau promu: son expertise cœur de métier.

De ce fait il se rassure et se met “hors-jeu” de sa fonction de manager, ses collaborateurs auront vite repéré les points faibles de leur manager et n’y feront plus confiance.

Selon le caractère du manager, il n’est pas exclu qu’il vive très mal cette situation et réagisse de manière arrogante, car il est passé brusquement du domaine de l’expertise, où il était adulé et pouvait prévoir les conséquences de son travail, à un domaine dans lequel il est difficile de prévoir le comportement de ses collaborateurs si on ne les connaît pas et si l’on ne se connaît pas soi-même.

Le passage de l’expertise au management nécessite de passer de la culture technique à la culture humaine.

Le nouveau manager devra prendre de la maturité, abandonner son autonomie pour aller vers l’interdépendance, apprendre la synergie, l’empathie, la sociabilité; tout ce qui appartient à l’intelligence émotionnelle (QE) et non au fait que l’expert promu manager soit un  brillant ingénieur.

Pour les spécialistes comme Daniel GOLEMAN, un manque d’intelligence émotionnelle dans un tel environnement signifie un échec à coup sûr.

“Les entreprises engagées dans les changements les plus profonds sont celles qui exigent la plus grande intelligence émotionnelle.”

 Je vous invite à mettre un commentaire sous l’article et à me poser d’éventuelles questions auxquelles je ne manquerai pas de répondre.

 

Alain MESTRE

8 Commentaires

  1. Myriane Barnier mars 4, 2014 at 5:24 - Répondre

    J’apprécie et vous remercie pour cet éclairage.
    Myriane Barnier

  2. Catherine Blondeau mars 6, 2014 at 12:51 - Répondre

    Merci pour cet article fort intéressant.
    Vous indiquez que les grandes entreprises intègrent de plus en plus le QE dans leur démarche. Cette tendance est-elle également constatée dans les pme ?

    Concernant la compétence technique, handicap, je suis un peu partagée : d’un côté, oui, le manager doit sortir d’un quotidien trop terre à terre, du “faire”.
    Néanmoins, pour “faire faire”, encore faut-il savoir de quoi l’on parle, que ce soit au niveau middle management ou top management.
    Et c’est bien là l’une des principales sources de mécontentement et de démotivation chez les collaborateurs : des décisions prises selon des critères douteux et qui entrent en contradiction avec leur réalité quotidienne, voire même avec les objectifs qui leur sont fixés.
    Pour donner du sens, encore faut-il qu’il y en ait et qu’il puisse être clairement exprimé.
    A défaut, le manager perd sa crédibilité et la confiance de son équipe.

    Il me semble que les qualités techniques restent nécessaires, même si elles ne sont pas suffisantes pour faire un bon manager.
    Bien cordialement

    • Alain Mestre mars 6, 2014 at 7:11 - Répondre

      Bonjour et merci Catherine pour le commentaire concernant l’article.

      Je pense qu’il faut être prudent et ne pas tout jeter en disant que les experts ne seront pas de bons managers. Cependant, il faut être vigilant, car le risque est réel, je l’ai bien connu, je ne fais pas une généralité, mais les “faits sont têtus”.
      Il est évident que pour manager il faut savoir de quoi on parle et ceci est d’autant plus vrai pour les managers de proximité.

      Encore merci,

      Cordialement, Alain

  3. Catherine Blondeau mars 6, 2014 at 1:25 - Répondre

    Bonjour Alain et merci de votre réponse.
    Et je suis tout à fait d’accord avec vous. J’ai également rencontré nombre de managers qui ne sont finalement que des experts dans leur partie et qui ne savent pas en sortir pour diriger, ou alors très maladroitement.
    J’ai également rencontré l’extrême inverse, des managers qui ont toutes les compétences managériales que vous citez, mais qui n’ont pas les compétences techniques nécessaires : le résultat est inéluctablement un discours un peu creux et démagogique qui ne convainc personne sur le moyen terme.
    Dans ces deux cas extrêmes, il manque généralement la capacité d’écoute et la capacité à utiliser correctement les connaissances et les compétences de ses collaborateurs.
    Mais une autre question se pose : pourquoi devenir manager ?
    J’ai rencontré nombre de personnes qui voulaient devenir manager pour le prestige que ce titre confère, sans avoir aucune idée de ce que cela signifie concrètement. Cela tient du rêve, du fantasme qui n’a aucun lien avec la réalité concrète d’une entreprise et qui est très loin de la maturité requise pour ces postes.
    A contrario, j’ai également rencontré (rarement, hélas) quelques experts qui ont décidé de ne pas devenir manager, conscients qu’ils étaient des implications et de ce qu’ils voulaient vraiment : ce type de choix requiert une réelle maturité.
    Les managers dont la principale motivation est leur prestige personnel sont les pires managers que j’ai jamais rencontrés.
    Et comme vous l’avez indiqué, une bonne maturité est plus que nécessaire pour occuper correctement ces postes.
    Bien cordialement,
    Catherine

    • Alain Mestre mars 11, 2014 at 8:00 - Répondre

      Bonjour et merci pour votre commentaire pertinent que j’apprécie.

      Vous avez une bonne vision du management et des qualités requises pour être manager. Vous savez comme moi, que dans beaucoup d’entreprises, il faut assurer un plan de carrière au personnel, et c’est là où les choses se compliquent. Il n’y a pas des postes qui correspondent au profil de chacun, alors on remplit les cases et il arrive que des personnes se trouvent dans des postes pour lesquels ils n’ont pas les compétences.

      Lorsqu’il s’agit de postes de managers, les dégâts peuvent être considérables et provoquer des dysfonctionnements majeurs.

      Aussi, le décideur qui choisit un manager doit avoir l’expérience, les outils nécessaires pour cerner les compétences du candidat, mais aussi sa personnalité, afin de pronostiquer son comportement au stress, face aux conflits, sa capacité à motiver, à entraîner et à accompagner les changements qui s’imposent.

      Merci de la qualité de vos commentaires,

      Cordialement, ALAIN

  4. guigon jean marie mars 7, 2014 at 4:10 - Répondre

    bonjour Alain et encore merci pour ton article
    au principe de “Peter” j’ajouterais une maxime ancienne dont j’ai oublié l’auteur mais qui dit : ” la force de la chaîne est égale à la force du plus faible maillon” !
    je traduirais dans un sens différent mais qui ne s’oppose pas, en disant qu’importe le diplôme, le savoir, etc… seul ,on est peu de chose….

    jean marie guigon

    • Alain Mestre mars 11, 2014 at 7:42 - Répondre

      Bonjour Jean-Marie,

      merci pour ton commentaire, tu as raison sur cette métaphore qui s’applique aussi dans l’entreprise.

      Amicalement et à bientôt, ALAIN

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