Pourquoi l’entreprise est comme le tonneau des danaïdes?

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Nous connaissons l’histoire des Danaïdes, les filles de Danaos, qui ont été contraintes à remplir un tonneau dont le fond était percé.

Certaines entreprises sont soumises à ce phénomène de spirale infernale où le travail qui est le contenu de l’entreprise n’est jamais en quantité suffisante pour remplir le contenant l’entreprise.
Cette métaphore reflète bien ce qui se passe dans l’entreprise où tous les acteurs, du Directeur aux ouvriers sont impactés par une activité importante, sans pouvoir réguler le flux d’activité qui les conduit à des journées surchargées où ils ont le sentiment de n’avoir rien fait. Même la démarche qualité n’est pas venue à bout de ces anomalies.

Pourquoi en arrive-t-on à ce fonctionnement qui est une fuite en avant, entraînant avec elle des salariés fatigués, désabusés, démotivés, voire malades?
Les raisons sont clairement identifiées, connues, mais personne n’ose les changer alors que tout le monde serait gagnant de mettre de la conscience sur le fonctionnement toxique qui s’est durablement installé en entreprise, sous prétexte qu’il faut être performant.

La performance ne veut pas dire grand chose, si ce n’est qu’elle ne s’inscrit pas dans le temps et qu’elle fait apparaître un phénomène d’usure et bien souvent un résultat quantitatif ponctuel. Il est très difficile, même impossible de maintenir la performance dans le temps en y associant la qualité du produit, la satisfaction des clients, celle du personnel et la préservation du capital humain et matériel.
La performance fait travailler les hommes et les femmes à la limites de leur capacité, voire pour certains au delà. Il en est de même avec les machines que l’on pousse en surrégime.

C’est la situation où la production demandée (P) est supérieure à la capacité de production (CP) que peuvent fournir les employés et les machines: c’est de la gestion à court terme.

L’efficacité fait davantage appel à la notion d’optimisation. Elle implique de la méthode, privilégie la qualité à la quantité et s’intéresse à tout ce qui n’est pas rentable: réunionite, procédures fastidieuses, reportings qui ne servent à rien, l’urgent non important…
Elle a un regard bienveillant sur le personnel et sur le matériel: c’est la gestion à long terme.

Le problème que l’on rencontre dans les entreprises est bien souvent celui de la gestion des priorités, que l’on a baptisé à tort la gestion du temps. Tout le monde veut gérer son temps et personne n’y arrive.
C’est normal, le temps est le même pour chacun d’entre-nous, il s’écoule à la même vitesse, personne ne peut le ralentir.
La véritable gestion des priorités est celle de sa propre personne. C’est là seulement que l’on peut agir, mais l’homme a les yeux ouverts vers l’extérieur et fermés vers l’intérieur.

  • Qui peut dire “oui” ou “non”?
  • Qui peut décrocher le téléphone lorsqu’il sonne ou refuser de le faire?
  • Qui a la possibilité de ne pas répondre lorsque son bureau est fermé et que quelqu’un frappe à la porte?
  • Qui traite ses mails en même temps qu’il participe à un conférence téléphonique?
  • Qui laisse tombé son entretien avec un collaborateur pour se rendre à une réunion imprévue?
  • Qui traite l’urgent comme l’important?
  • Qui n’a pas confiance et provoque une augmentation du temps de traitement en inventant des procédures?
  •  Qui par des comportements toxiques provoque des conflits et donc des pertes de temps?
  •  Qui utilise un iphone pour devenir encore plus dépendant et moins efficace?
  • Qui est réactif au lieu d’être proactif?

La liste n’est pas exhaustive, elle pourrait encore s’allonger, mais elle est suffisante pour montrer que l’homme est son propre fossoyeur, que dans l’entreprise, le premier responsable n’est pas celui qui demande de faire, mais celui qui fait.
Ceci ne veut pas dire qu’il faut rentrer en résistance contre l’entreprise, bien au contraire, le lien entre l’entreprise et le salarié doit être renforcé.
Il est pourtant nécessaire de prendre conscience que personne nous oblige à être des réactifs qui donnent le pouvoir décisionnel aux circonstances, aux environnements, aux conditions, aux autres…, au risque d’y laisser sa santé, de s’éloigner de l’efficacité nécessaire à la pérennité de l’entreprise.

Tout le monde contribue à percer des trous dans la coque de l’entreprise, créant des flux d’activité qui ne permettent pas de colmater les brèches.
Voilà pourquoi, si les dirigeants, les décideurs, les managers ne posent pas la conscience au bon endroit, nous sommes condamnés, comme les danaïdes à faire rentrer encore plus de travail même s’il ne sert qu’à détruire l’entreprise et nous même.

Alain MESTRE

De | 2018-03-13T18:55:55+00:00 octobre 5th, 2013|Efficacité managériale, Uncategorized|4 commentaires

4 Commentaires

  1. Bruno Champeyrache octobre 6, 2013 at 9:28 - Répondre

    Bonjour Alain,

    j’aime beaucoup la série des QUI ? alors posons nous ces questions, car nous seul avons les réponses et la capacité à décider des les appliquer.

    Cordialement, BCH

  2. Alain Mestre octobre 6, 2013 at 10:02 - Répondre

    Bonjour Bruno,

    Effectivement, nous rejetons trop souvent la responsabilité sur les autres alors que nous sommes bien souvent notre propre générateur de travail et de stress,

    Cordialement, ALAIN

  3. GUIGON Jean Marie octobre 10, 2013 at 6:58 - Répondre

    bonsoir Alain

    A la métaphore du tonneau des Danaïdes j’ajouterai celle tirée d’un film avec Louis De funès (la folie des grandeurs) ou il se prend pour ce qu’il n’est pas en soustrayant à la collecte d’impôts ce qu’il estime mériter…

    la règle d’or qui devrait régler l’humanité n’est pas neuve mais elle est toujours d’actualité : “ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse”

    convertir ça dans le monde de l’entreprise revient à éduquer sur des paramètres très simples, humains, accessibles et concernant tous les échelons de la pyramide des fonctions.

    j’ajouterai aussi une règle de vie qui propose à chacun un choix, une option de vie : “être ou paraître ?”

    notre système de vie en société, que ce soit dans le privé ou dans l’entreprise, favorise qu’on le veuille ou pas, ce comportement pollueur générant le dysfonctionnement que tu évoques…il faut donc combattre à la source, à l’origine, c’est de l’éducation, de la transmission de savoir et de culture dont il s’agit. Et ce n’est pas l’exclusivité de l’éducation Nationale, mais une somme d’actions conjointes combinées et complémentaires entre école, famille, entreprise…

    j’ai peur en écrivant cela de ressembler un peu aux idéaux soviétiques qui ont fait “leurs preuves”…. si on peut dire….

    et pourtant, peut-être faut-il sacrifier quelques années avant de cueillir le premier fruit…?

    ne payons nous pas là, le prix d’une société qui s’éloigne dangereusement de la religion ? de la morale républicaine ? de l’éthique ?

    excuse moi de ne t’apporter finalement que des questions, et merci de m’avoir donné l’occasion de réfléchir un peu à notre destinée, qui n’est pas des plus rassurante lorsque l’on observe et entend tout ce qui nous est offert aujourd’hui…

    il est clair que notre rôle dans la société, est déterminant, par l’exemple, le discours, le savoir être etc…certainement une ambition démesurée, mais qui ne peut qu’améliorer les choses.

    à bientôt pour continuer l’échange.

    et merci pour ton travail

    jean marie guigon

  4. Alain Mestre octobre 10, 2013 at 1:04 - Répondre

    Jean-Marie merci de ce commentaire riche pour les lecteurs et pour moi,

    Il est exact que l’entreprise ne peut être que le reflet de la société. Mais qui est cette dernière sans nous les hommes et les femmes qui la composons, au même titre que nous formons le corps social des entreprises.

    Trop souvent l’être humain cherche le coupable. Il a besoin de se rassurer et de trouver celui qui pourrait être coupable à sa place.
    A y regarder de plus prés, le coupable est si proche de nous qu’il nous aveugle: tu le sais c’est nous même.

    Emporté par l’orgueil, par l’éthique de la personnalité qui n’agit que sur le paraître, l’homme dans la l’entreprise comme dans la vie perd le véritable sens de cette dernière.
    Le manager patron, dirigeant d’entreprise essaie de donner du sens au travail qui est réalisé par les employés.
    Mais la tâche est très compliqué, car l’homme semble avoir perdu le sens de la vie.

    Ces propos ne sont point de la philosophie, car je laisse cette discipline à ceux qui sont compétent en la matière.
    Cependant le manager travaille avec de la matière humaine et se doit de respecter son semblable. Aussi j’adhère pleinement au comportement que doivent intégrer les décideurs: “ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas que l’on te fasse”.
    C’est pour cette raison que le management humain me paraît le plus adapté à la complexité que rencontrent les entreprises.
    Ces dernières doivent rester un lieu de travail productif et efficace, mais il doit y régner le respect, l’épanouissement, la créativité: la véritable humanité.

    C’est possible, ça viendra, je suis convaincu des changements en cours,

    Encore merci pour ta réaction à l’article.

    Alain MESTRE

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